Un portrait de femme par Satyajit Ray en 1964
Calcutta, printemps 1879
J’attends, cher Amal ;
Des heures de solitude
Que ni livres ni piano
Ni le monde ne comble ;
J’attends, cher Amal,
Mon mari, Bhupati,
Accaparé par son journal,
Et les débats politiques ;
Tu vins, cher Amal,
À la demande de Bhupati,
Ton cousin, partager avec moi
Tes connaissances littéraires ;
Tu vins, cher Amal,
Me parler de livres et poésie,
Et je te mettais au défi
D’écrire pour moi un poème ;
Tu le fis, cher Amal,
Mais tu rompais notre pacte
En faisant paraître ce texte
En revue, aux yeux de tous ;
Tu le fis, cher Amal,
Simplement par ignorance
De mon amour pour toi
Générant larmes à mes joues ;
Tu les vis, cher Amal,
Et tu pris peur de cet amour,
Peur de tromper ton cousin,
Peur d’engager ce destin ;
Tu as fuis, cher Amal,
Un départ précipité au moment
De la découverte de la trahison de mon frère,
Parti avec l’argent du journal ;
Tu as fuis, cher Amal,
Alors que je propose à Bhupati
De lancer un nouveau titre
Alliant littérature et politique ;
Je lis, cher Amal,
Ton récit épistolaire
Relatant ton voyage
Chez un ami à Madras ;
Je te pleure, cher Amal,
Sur mon lit devant Bhupati
Que je croyais parti ;
Il m’a surprise dans cet état ;
Nous voici, cher Amal,
Bhupati et moi réunis
Dans cette maison ;
Alors, il vient vers moi,
Mon cher Amal,
Je lui tends la main,
La sienne s’approche
Mais reste à distance.
Un moment suspendu