Entrez dans la danse !
Une salle, une piste de danse, un bar et des miroirs.
Un serveur installe un disque sur un électrophone.
Neuf femmes pénètrent dans la salle, une par une.
Onze hommes entrent à leur tour, en groupe.
Les musiciens préparent leurs instruments.
D’abord, on s’épie, on se toise.
Ensuite, on s’invite à la danse.
On se comprend sans un mot.
Quelques pas suffisent.
C’est ainsi depuis
Le Front populaire,
aux couleurs ternes
à l’exception du rouge,
des plumes et du bordeaux ;
au son de l’accordéon, java ou musette.
On se croirait au cinéma quand
un homme à la Gabin
s’insinue, pas sans chagrin.
Les couleurs brunissent soudain,
virent parfois au bleu gris.
La salle devient un abri anti
aérien où on se réfugie.
Vide dès la fin des bombardements,
une radio entonne discours et chansons.
Seules, deux femmes esquissent une danse
qu’elles refusent à un Allemand.
Une ronde de la victoire libère les corps
et les couleurs, claires et chaudes.
Les musiciens font leur retour,
de même que les soldats prisonniers et blessés.
On les accueille comme on chasse le collabo.
On découvre le jazz avec les soldats US,
et toujours le marché noir.
Une décennie passe et fait naître
des mélodies exotiques – samba, tango, salsa –
et des sentiments plus troubles – violence
du raciste et des blousons noirs –
ainsi qu’une musique adaptée :
le rock’n’roll.
Mai, c’est l’heure des manifs.
Des étudiants qui entrent de force
dans la salle vide
et s’approprient les instruments
de musique
pour lancer une Michelle sensuelle.
Un vieux couple entre toutefois
dans le champ de la caméra.
Les musiciens reprennent leur place
pour le passage au disco de l’intro.
Enfin la salle se vide progressivement
de ses danseuses et danseurs
sur le générique de fin.